Une conférence remarquable sur « le vitrail contemporain dans les édifices anciens : un mariage heureux ? » de Valérie Buisine pour l’association arts et cloître a particulièrement enchanté le public de la Chartreuse en présentiel et en distanciel.
En une heure et demie, la conférencière, enseignante en histoire de l’art et docteur en théologie et art de l’université catholique de Lille a emmené le public dans un voyage extraordinaire à travers la création contemporaine de vitraux en France.
D’abord, elle a donné une définition du vitrail : » verre à vitre découpé suivant une composition décorative ou figurative dont les différents morceaux sont assemblés de plomb ». La réalisation d’un vitrail est le résultat d’un travail combiné de l’artiste et du maître verrier.
Un peu d’histoire
Si le vitrail existe dès l’époque romaine et au Vème siècle, il apparaît véritablement comme nous le connaissons aujourd’hui au XIème siècle en Allemagne à Notre Dame d’Augsbourg. A cette époque, le procédé est encore nouveau, aussi, on craignait que les couleurs empêchent les moines de prier !
Mais c’est avec l’architecture gothique que l’art du vitrail va véritablement se développer dès le XIIIème siècle, art qui doit beaucoup à l’abbé Suger, rénovateur de St Denis. Ce qui compte, c’est la lumière, une matière première immatérielle et théologique à prendre en considération selon l’orientation de l’édifice. « Dieu est lumière et beauté et on contemple la beauté céleste à travers la beauté terrestre. » « Que la lumière soit et la lumière fut » rappelle la Genèse.
Le renouveau de l’art sacré
Puis la conférencière rappelle les circonstances du renouveau de l’art sacré en France au XXème siècle, dû à l’initiative de deux dominicains, les pères Couturier er Regamey aux lendemains de la guerre où beaucoup d’églises virent leurs vitraux endommagés ou détruits.
Ils ont fondé la revue » l’art sacré « et ont parié sur le génie des artistes, indépendamment de leurs croyances. Les œuvres de Manessier à l’église St Michel aux Bréseux font scandale et sont comparées à des toiles d’araignée. Ce sont les premiers vitraux contemporains placés dans un édifice ancien. Travaillant avec la maison Lorin de Chartres, dont une annexe se trouve voisine de l’atelier du peintre à Paris, Manessier choisit la technique exigeante et dite antique du verre pur et du plomb, sans usage de la grisaille. Les valeurs de la couleur sont obtenues directement dans la masse. Sur le plateau d’Assy, Notre Dame de toute Grâce fait appel en 1946 à des artistes de renom tels que Braque, Chagall, Rouault et Lurçat. La leçon qui en est retirée est qu’il vaut mieux faire appel à des gens de talent plutôt qu’à des artistes chrétiens. Le souffle de Dieu souffle où il veut …Ainsi en est-il de la chapelle ND du rosaire à St Paul de Vence, réalisée par Matisse ou bien encore des vitraux de l’église d’Audincourt réalisés par Fernand Léger.
Innombrable variété de la Création de vitraux
Mais d’anciennes cathédrales comme celles de Metz (vitraux de Chagall) ou encore de Nevers disposent de plusieurs milliers de mètres carrés de verrières et font appel à tellement d’artistes qu’ils en dénaturent parfois le caractère originel avec des styles si différents, colorés comme ceux de Jean-Michel Alberola ou presque minimalistes comme ceux de Gottfried Honegger ou encore de Claude Viallat à la cathédrale de Nevers. Mais aussi étonnants sont ceux de Kimsoonja à Metz. Très tôt, son travail se focalise sur l’étoffe et le tissu qui deviennent ses matériaux emblématiques. Mais sont aussi présents à Metz ceux de Roger Bissière, Jacques Villon etc Désormais, des concours sont établis pour recruter les artistes. Puis, la conférencière souligne que les auteurs de vitraux ne sont pas seulement concepteurs de motifs mais également inventeurs de nouvelles techniques (vagues de Robert Morris). Enfin, elle démontre qu’il y a beaucoup d’audace dans les villes comme dans les campagnes dans la création française depuis une dizaine d’années. Une conférence bien menée, passionnante, au rythme enlevé et très pédagogique !
L.L