Invitée des conférences Arts et cloître, Anne Vuillemard-Jenn, historienne de l’architecture et docteur en histoire de l’art, a donné une conférence sur l’influence de Le Corbusier sur Tadao Ando en retraçant les parcours de ces deux architectes.
Si on ne présente plus Le Corbusier, né Charles-Edouard Jeanneret au civil, Anne Vuillemard-Jenn souligne combien il est « un personnage antipathique, misogyne et fasciste ». Mais, « il demeure un passionné d’architecture et du corps humain. Il n’a pas fait d’études d’architecture et aborde les choses en autodidacte, en faisant un grand tour comme le veut la tradition de formation des artistes. »
Il va d’abord en Italie où il se montre curieux de vitrail et de peinture murale. Il se rend ensuite à Paris où il s’intéresse à l’architecture métallique avec les frères Perret (ciment armé) en étant dessinateur chez eux. Puis il arrive à Berlin chez Peter Behrens. Il ouvre ensuite son cabinet d’architecture.
Il conçoit une ossature domino en faisant table rase de l’idée romantique de la maison. Il insiste sur le plan libre, la façade libre. Il veut construire pour le plus grand nombre mais cela ne fonctionne pas alors il va construire des maisons “puristes” pour des personnes fortunées. C’est le cas de la villa Ozenfant, de la villa Laroche, de la villa Savoye à Poissy (Ile-de-France). Il ajoute le pilotis, la fenêtre bandeau et le toit-terrasse. Et utilise aussi la polychromie pour dématérialiser l’allure générale de la maison.
Tout commence par l’ombre
Tadao Ando fait l’expérience de la maison de sa grand-mère qui est difficile à vivre au fil des saisons. Il aime le béton car il est fait à la main. « Il trouve un livre de Le Corbusier à l’âge de 15 ans. Il aménage le mobilier d’une discothèque. Puis à 24 ans, en 1965, il a suffisamment gagné d’argent pour pouvoir voyager. Et, il ne retournera au Japon qu’en 1969. » Il crée la maison Azuma à Osaka en 1975 où tout commence par l’ombre puis une église sur l’eau à Yufusutu sur l’île d’Hokkaido : deux cubes accolés dont un en verre, quatre croix de béton, deux bassins. Il met en scène la nature également avec l’éclairage. Il construit aussi l’église de la lumière à Osaka : parcours visuel vers la croix lumineuse. Pour lui, l’ombre et la lumière donnent la possibilité de réfléchir et de contempler. Il est aussi très favorable à la paix : il construit un espace pour les 50 ans de l’Unesco avec le cercle comme symbole de l’infini. À l’intérieur, se trouvent quatre chaises austères, de l’eau coule sur des pierres décontaminées de Hiroshima, représentant les âmes des défunts. Somme toute, deux autodidactes mais deux conceptions différentes de l’architecture !
L.L.
Article paru dans les D.N.A. du 15/03/2023
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