Regards insolites sur l’icône

L’association Arts et Cloître a reçu la conférencière Ariane de Saint Marcq, expert en icônes auprès de Drouot et enseignante aux Bernardins pour découvrir l’icône de façon insolite, le 11 mars au caveau de la Chartreuse à Molsheim.

Détail de la Nativité du Christ, 1480-1500, musée du Petit Palais, Paris

C’est par hasard qu’Ariane de Saint Marcq s’est prise de passion pour l’icône lors d’un séjour de huit jours au monastère Sainte-Catherine dans le Sinaï, des années en arrière. Les premières images qui l’ont happée étaient des mosaïques. Les icônes sont chrétiennes et existent aussi bien chez les catholiques que chez les protestants ou les orthodoxes.

Elle montre d’abord une vierge de Kykkos du XIIIe  siècle avec l’enfant Jésus qui a un crâne très long pour indiquer qu’il est rempli par l’Esprit. L’enfant Jésus porte une boucle d’oreille et on en ignore la signification. S’agit-il d’un privilège pour les premiers nés mâles à Chypre ?

La conférencière rend le public attentif aux détails et aux singularités de l’iconographie des scènes représentées. Ainsi, on met une croix dans l’auréole du Christ à partir du IVe  siècle. Elle montre, par la suite, un magnifique portrait du Fayoum du Christ Pantocrator bénissant, probablement commandé par l’empereur Justinien au VIe  siècle où chaque partie médiane du visage est différente de l’autre côté, afin de mettre en évidence le côté vrai homme et vrai Dieu du personnage.

On trouve également de nombreuses annonciations : celle du Sinaï de la fin du XIIe  siècle avec la Vierge représentée au moment du fiat (l’enfant Jésus est dessiné en elle) ; une de Russie du XVe  siècle où trois cygnes viennent boire à la source pendant la visite de l’ange Gabriel à la Vierge. Et une autre du XVIe au XIX siècle, plus rare, qui se passe à l’intérieur d’une maison. Et puis il y a celles des Nativités comme une d’Ethiopie vers 1500 où la Vierge n’a pas d’auréole ni de bouche comme l’enfant Jésus. Ou encore celle de la collection Roger Cabal, aujourd’hui au musée du Petit Palais, achetée en deux morceaux puis rassemblée et nettoyée, qui fait preuve d’originalité.

Icône veut dire image

Une petite scène en ivoire sur un évangéliaire d’Otton III de la fin du X siècle fonctionne de la même façon qu’une icône. Icône veut dire image. Mais le Christ ici se retourne vers sa mère étendue (Dormition) et habille l’âme de la Vierge avec son propre manteau. Sur le Livre des péricopes d’Henri II, l’âme de la Vierge regarde l’ange qui va la prendre. Alors qu’en Occident, on termine la Dormition de la Vierge par son couronnement comme à Notre-Dame de Paris (tympan), à Strasbourg, l’âme de la Vierge prie et une personne devant elle exprime la douleur de la voir partir.

En Macédoine du nord, à l’église de la Ste-Mère-de-Dieu à Ohrid, du XIIIe  siècle, une fresque déroule trois parties de gauche à droite. L’âme de la Vierge est devenue un ange. Les apôtres n’ont pas de nimbes et sont chacun dans un nuage. Un univers fascinant pour un incroyable tour d’horizon aux pays des icônes !

L.L.

Article paru dans les D.N.A. du 05/05/2023