Traduire l’invisible: enjeux de la représentation dans les oeuvres spirituelles au Moyen-Âge (Orient/Occident)

Comment représenter le voyage de l’âme après la mort et traduire par l’image ce qui se passe dans l’Invisible ? Tel fut le thème de la dernière conférence de la saison qui s’est tenue le 22 avril 2023.

Miniature du manuscrit de Guillaume de Digulleville

Les grandes traditions d’Orient et d’Occident ont illustrés des récits racontant la vie de l’âme dans l’au-delà que ce soit Le livre des morts égyptiens ou le Bardo Thödol tibétain. Au Moyen Âge, en Occident, pendant une période troublée de l’histoire de France où la guerre et la peste font redouter une fin du monde, le moine Guillaume de Digulleville écrit au XIVe siècle un pèlerinage de l’âme, enluminé de nombreuses miniatures symboliques qui nous entraînent dans le voyage qui nous attend après la mort. Tout son récit est né d’un songe, message divin qu’il doit transmettre aux hommes. Les images traduisent l’enseignement céleste pour guider l’homme dès cette vie comme dans l’ailleurs et lui redonner espoir dans ce qui l’attend.

La conférence de Paule Amblard, historienne de l’art  a montré de nombreuses enluminures de ce manuscrit exceptionnel et pourtant peu connu. Cette conférence à deux voix, avec Leili Anvar, traductrice et normalienne a permis d’y voir plus clair dans les enjeux de la représentation spirituelle de l’invisible au Moyen-âge en Orient et en Occident.

A travers l’analyse de quelques images illustrant le roman d’amour mystique Leyli et Majnûn de Jâmi, Leili Anvar nous a proposé une halte dans le jardin de la poésie persane.

Elle a montré comment, par la magie des mots et l’alchimie de la représentation, la traduction poétique et picturale persane fait voir l’invisible et donne à entendre l’indicible.  Nous avons vu comment le poète et le peintre transforment le désert du monde en un jardin verdoyant et comment les traits de la Dame de beauté préfigurent la vision béatifique du Divin. L’esthétique persane exalte la beauté de la transcendance dans les formes de l’immanence et invite ainsi à une lecture herméneutique de l’image. Leili Anvar nous a proposé quelques clés de lecture pour entrer dans cet univers symbolique et saisir à quel point cet art est investi de sacralité et propose un cheminement spirituel.