Au commencement était la fin.

Une conférence sur la chapelle Chigi a permis une plongée dans l’iconographie de la Rome de la Renaissance grâce à une vision à 360 ° de la chapelle et aux compétences et savoirs d’un jeune chercheur en histoire de l’art, Florian Métral. Une immersion très réussie pour un public conquis. 

Grâce au mécénat des papes, avant et bien après le sac de 1527, Rome apparaît comme une ville fastueuse. Le pontificat de Jules II (1503-1513) est principalement connu artistiquement par la voûte de la chapelle Sixtine peinte par Michel-Ange (1508-1512), par les premières Stanze de Raphaël et, bien sûr, par les réalisations de Bramante, ou encore le tombeau de Jules II de Michel-Ange pour l’architecture et la sculpture. Selon Roberto Longhi, la première décennie du Cinquecento devrait être divisée non pas en années mais en mois, tant sont élevés le nombre et la qualité des œuvres et des artistes, au cours de cette période. « La chapelle Chigi est d’une grande réputation et la plus visitée de Rome, » indique le conférencier Florian Métral, auteur d’une thèse sur l’iconographie de la Création à la Renaissance à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Emission d’une bulle papale

C’est l’une des six chapelles de l’Église Sainte-Marie-du-Peuple à Rome. Conçue par Raphaël au niveau architectural et pictural, elle  a pour but d’être la chapelle privée et funéraire de son ami et mécène, le banquier siennois Agostino Chigi. Lorsqu’il rachète la chapelle, en 1507, une bulle papale est émise « désirant par un échange fructueux que les choses terrestres deviennent éternelles. Chigi a racheté auprès de la papauté un bail pour exploiter des mines d’alun. Et peut ainsi financer les campagnes militaires des papes, notamment de Jules II » précise Florian Métral. Chigi, « adopté » par la famille du pape, peut joindre ses armes à celles des della Rovere, comme sur la devise du pavement de la chapelle : mors ad caelos (de la mort au ciel). Il mène grand train à la villa Chigi, devenue ensuite villa Farnésine. Il achète également la chapelle Santa Maria della Pace.

Le décor célèbre le passage du temps et l’histoire de la Création

Dédiée à la madone de Lorette, la chapelle Chigi a la forme d’un petit temple de forme carrée et circulaire avec dans les angles 4 niches avec des statues de prophètes. Des chapiteaux corinthiens, un tableau représentant plusieurs scènes dont la naissance de la Vierge, un bas-relief avec le Christ et Marie-Madeleine, des tombeaux hybrides entre la pyramide et l’obélisque, une coupole avec Dieu le Père, les anges et les astres, un tambour avec la représentation des saisons … Le lien entre les différentes parties et niveaux de la chapelle se fait par les mouvements des mains, impulsé par Dieu au centre de la coupole. Le programme décoratif de la chapelle célèbre la naissance et le passage du temps par un parallèle constant entre l’existence d’Agostino Chigi, banquier des papes et l’histoire de la Création du monde.

Vicissitudes du chantier

Raphaël ne travaille à la chapelle Chigi qu’en 1513, conçoit entièrement la coupole mais meurt en 1520. La femme d’Agostino Chigi s’attelle à la tâche mais décède avant la fin du chantier. La coupole et son tambour sont couverts de la mosaïque de La Création du monde exécutée par Luigi da Pace suivant les cartons de Raphaël, qui représentent les divinités planétaires et la sphère des étoiles fixes accompagnées des Anges dans huit panneaux et Dieu, le père au centre de l’oculus. Cette vision du cosmos correspond à celle de l’époque. « Evoquer la temporalité du jour est important car cela permet d’évoquer le temps qui passe. A partir du moment où Dieu crée les astres, on peut mesurer le cycle des jours et des nuits. On peut remarquer le contraste entre les dieux païens et les anges qui les surplombent. Pour Dante, les anges sont les moteurs des sphères. Ils se sont vus confier le mouvement perpétuel par Dieu, thèse reprise par St Thomas d’Aquin ».  Le tambour illustre la Création et le passage du terrestre au divin : les huiles sur le mur sont de Francesco Salviati, auteur du salon des ambassadeurs au palais Farnèse et s’inspirent fortement de Michel-Ange à la Sixtine. Les poses sont très maniéristes et contorsionnées Puis le chantier est repris par le frère d’Agostino qui le confie à Sebastiano del Piombo, rival de Raphaël !

« La chapelle n’ouvrira qu’en 1554 pour la première fois et à partir de cette période, l’héritage considérable Chigi, dilapidé par un descendant, a provoqué la vente de la villa aux Farnèse et les deux chapelles sont alors laissées à l’abandon ». Elle est  complétée par  Le Bernin plus d’un siècle après la mort de Raphaël en 1520 lorsque Fabio Chigi, est devenu le Pape Alexandre VII en 1655. Dès 1652, il est fait cardinal et engage le Bernin pour élargir les fenêtres du tambour, refaire les tombes et les portraits. Ainsi le Bernin exécute les statues d’Habacuc et de l’ange (figure de la récompense éternelle du croyant) et celle de Daniel en prières (figure de l’élu). Celles de Jonas(résurrection) et d’Elie (préfiguration de l’Ascension du Christ) ont été faîtes par Lorenzetto, élève de Raphaël. Malgré tout, « la chapelle Chigi demeure l’œuvre de Raphaël notamment au niveau architectural et iconographique » selon Florian Métral.

Tous les 8 septembre, une célébration est prévue dans la chapelle Chigi. « Cette chapelle a pour but de célébrer la destinée prochaine de l’âme du défunt qui rejoindra le royaume céleste. La pyramide est associée à l’élément du feu qui correspond à l’envol de l’âme retournant auprès du Créateur. » En somme un programme iconographique de premier ordre.

L.L.

Article paru dans les D.N.A. du 13/01/2018

 

 

 

 

Pour écouter l’interview de Florian Métral, suivre le lien suivant:

https://soundcloud.com/diocese-alsace/itw-florian-metral-pour-arts-et-cloitre