Solitude et rencontre

Evelyne Frank, docteur ès lettres et théologienne était l’invitée des conférences arts et cloître en décembre avec un sujet et un intitulé peu communs, Invitations au voyage entre solitudes et rencontres : Quelqu’un vient. A travers un florilège d’œuvres d’art, elle a su admirablement captiver l’auditoire avec une conférence toute en finesse et en profondeur.

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En pleine période de l’Avent, le sujet intrigue et a tout son sens. C’est en effet le thème de la solitude et de la rencontre qu’a choisi d’aborder Evelyne Frank. En partant d’abord de cette expérience universelle que nous faisons tous, d’autant plus en cette période de fêtes. Nous nous sentons seuls, entourés d’une famille et d’amis, seuls dans la rue, seuls dans les magasins, seuls dans un appartement de célibataire, seuls même à l’église dans son banc…Et elle suggère en parallèle la promesse contenue dans les Ecritures : « Tu te sens seul et tu l’es et ceci demeurera et pourtant Quelqu’un vient ! » Elle nous invite à être attentifs à ce que nous vivons dans la solitude comme dans la rencontre. Ce Quelqu’un peut-être bien sûr la promesse de l’enfant Sauveur de la crèche. Elle nous rend aussi sensibles à l’extraordinaire dans nos vies qui peut aussi prendre des formes multiples : un livre, une fleur, une idée, une personne, un éclat de rire, un lapsus etc. Elle met l’accent sur le fait que la plupart du temps, c’est après coup que nous savons que Quelqu’un est venu, comme dans la lutte de Jacob avec l’ange par exemple. Et le moment est fugace et quelquefois imperceptible. Elle nous montre également des annonciations contemporaines très surprenantes, avec jeune fille et ordinateur de Thomas Jessen, presque un peu iconoclastes. Mais en décryptant plusieurs scènes de l’annonciation, envisagée par de nombreux peintres anciens et actuels, la conférencière conduit chacun au cœur du mystère. Sa démarche est littéraire et spirituelle à la fois sans avoir l’air d’y toucher. Elle analyse de façon très poétique les scènes de l’Annonciation en montrant à pas feutrés l’arrivée de l’extraordinaire sous la forme convenue de l’ange, en prêtant attention aux détails, aux nombre de fleurs sur la hampe du lys par exemple. Elle revisite par son analyse la façon classique d’envisager ces scènes. Elle nous invite dans la chambre haute, lieu inaccessible des Ecritures à la fois chambre nuptiale et chambre du trésor. Cette chambre qui est le lieu où l’on se retire, où l’on prend du temps avec soi-même ; cette chambre du secret. Pour mettre l’accent sur le fait qu’ « à chaque âge de notre vie, nous vivons à l’intérieur de nos vies, plusieurs incarnations, plusieurs vies. Et que nous avons à écouter chacun notre « annonciation »pour être bien avec les autres. Qu’à chaque moment de notre vie ou de notre vieillesse, nous devons « inventer » quelque chose de beau et de neuf. » Elle met enfin en évidence que ce temps de la solitude tellement redouté est le lieu de notre plénitude pour aller ensuite vers les autres. De quoi affronter avec confiance l’année qui s’ouvre.
L.L.