Autour de la résurrection

Jérôme Cottin, invité des conférences Arts et cloître, historien de l’art et professeur de théologie protestante à la faculté de Strasbourg, a brillamment traité des images de la résurrection dans l’art, un sujet abordé très tôt dans l’histoire.

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  « Aujourd’hui, 38 % de personnes se disant catholiques pratiquantes ne croient pas à la Résurrection de Jésus », annonce la jaquette d’un livre récent. Or, écrit Saint-Paul en 55 de notre ère, « si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi ». Il souhaite s’adresser alors aux chrétiens grecs de Corinthe, gagnés par les divisions, le laxisme moral et l’incrédulité. Il est particulièrement intéressant d’établir un parallèle avec le contexte actuel en se demandant quelles images de la résurrection ont été mises en place au fil des siècles par les artistes et ce qu’elles signifient.

Constantin popularise l’idée de la résurrection

« Les artistes ont longtemps résisté à la tentation de décrire la résurrection du Christ, parce que cet événement n’est pas raconté dans la Bible, sinon sous forme de rencontres avec le ressuscité », précise Jérôme Cottin.
Quelles sont les premières images de la résurrection dans l’art ? Pour les premiers chrétiens, le Christ est une personne vivante mais on ne représente pas Dieu. Un héritage de la tradition juive.
Les premières images consistent en un mélange de signes graphiques et linguistiques que l’on aperçoit sur des couvercles de sarcophages exposés aux musées du Vatican. « Le chrisme, symbole du Christ, est constitué de deux lettres : le chi et le rhô. Il apparaît gravé avec les lettres grecques de l’alpha et de l’oméga placées au début et à la fin de l’alphabet grec et rappelle ainsi que le Christ est là de toute éternité, qu’il était là avant et sera là après, » indique le conférencier, qui rappelle que Constantin, premier empereur romain converti au christianisme, imprime le chrisme et la croix sur les étendards de son armée. Et popularise ainsi l’idée de la résurrection.
Deux siècles plus tard, dans une basilique de Ravenne (Italie), une magnifique mosaïque est placée dans l’abside : la croix triomphale est devenue croix gemmée par souci d’effacer la mort affreuse du Christ sur la croix. « Le Christ apparaît avec une petite figure au centre de la croix avec l’alpha et l’oméga. »

Sous la forme d’un soleil

La résurrection du Christ est aussi figurée sous la forme d’un soleil chez les premiers chrétiens. Le Christ ressuscité est vu comme étant dans la lumière, aussi il est associé au soleil. Bien plus tard, sur le sigle des jésuites se trouve le soleil avec à l’intérieur les lettres IHS, signifiant Jésus, sauveur des hommes. Des œuvres d’artistes plus tardifs comme Vincent Van Gogh ( Le semeur ) ou Caspar David Friedrich ( Ostermorgen ) utilisent le soleil dans leurs paysages à des fins méditatives. « Pour Van Gogh, calviniste, aucune image de Dieu n’est tolérée. Aussi, le soleil est bien le Christ. » Dans un même état d’esprit, Alfred Manessier, après sa conversion au christianisme, passe à une peinture abstraite. « Dans les récits bibliques de la résurrection, on mentionne les trois femmes et l’ange ; ce que l’on retrouve dès 980 dans le codex d’Egbert ou dans la Maesta de Duccio au début du XIVe siècle. Rembrandt, avec ses femmes au tombeau, met en scène l’absence et le vide. En 1888, Eugène Burnand, dans Pierre et Jean courant au Sépulcre le matin de la Résurrection , représente l’effet de la nouvelle sur les disciples : tout est intériorisé. Samuel Buri représente la pierre roulée suivant ainsi le texte de Marc. »
Les artistes ont imaginé le Christ ressuscitant dès 1410 avec le maître de Cologne, où les gardes apparaissent endormis, ou encore Dürer ou Cranach. Le Christ ressuscité tient en main l’étendard des armées impériales romaines.
« Grünewald dans le retable d’Issenheim a repris l’ambiance particulière de l’Évangile (Matthieu, 27, 65-66 ou 28, 2-4) : torpeur des soldats tandis que le Christ sort du tombeau. Le linceul est blanc mais plus on s’approche du Christ, plus celui-ci va se colorer en bleu rouge orangé si bien que l’on retrouve le Christ soleil des premiers temps du christianisme. On est ici à la frontière du réel et de l’imaginaire. » Le Christ ressuscité devient même un motif autonome de papier découpé (Callesen en 2009) et l’étendard rouge et blanc est repris dans l’univers publicitaire. La résurrection du Christ anticipe celle de tout un chacun mais elle est aussi représentée par des artistes non croyants. Comme quoi la résurrection, centre et cœur de la foi chrétienne interpelle toujours. Jérôme Cottin conclut cette analyse de la résurrection dans l’art par cette remarque : « Dans la résurrection, le corps est là en temps que corps vivant. La foi doit aller au-delà du visible car s’il faut voir pour croire, ce n’est plus de la foi ».

L.L.

Article paru dans les D.N.A. du 12/04/2015.