La place du corps de la femme à la Renaissance à Venise, en conférence au cercle culturel Arts et cloître

Valentina Sapienza, invitée des conférences Arts et cloître, en direct par Zoom, a restitué le contexte de Venise à la Renaissance, à travers l’angle particulier du rôle et de la place du corps de la femme à travers quelques œuvres majeures.

Carpaccio « Les Dames » Venise Musée Correr – détail

 

A l’époque de l’amour courtois, la femme eut un pouvoir authentique tandis qu’aux XVe et XVIe  siècle, elle semble coincée dans une vision plus restreinte, indique la conférencière. C’est ce que montrent les peintres de Venise. En premier lieu, Vittore Carpaccio, dans le tableau du Musée Correr, représente deux dames qui ont plus l’air de courtisanes que de femmes de bonne famille. Comme le disait Daniel Arasse, « Carpaccio est le peintre du détail ». Il va s’attacher à traduire avec minutie chaque détail architectural, broderie ou bordure de vêtement, chaque bijou… « Ainsi les perles renvoient à la fois au mariage de Vénus et à la Vierge Marie. L’orange est un clin d’œil au jardin des Hespérides. Le buis, un symbole de Vénus, le chien celui de la fidélité. Le perroquet celui de l’éloquence rédemptrice ou encore le symbole de l’Ave de l’ange Gabriel. Le mouchoir blanc symbolise la pureté. » Chaque symbole est ainsi décrypté par Valentina Sapienza, professeure à la Ca’ Foscari de Venise. Mais ce qui demeure ce sont les trois vertus o

bligatoires de la femme de la Renaissance : la fidélité, la pureté et la chasteté.

Saint-Georges, le dragon… et la dot

Puis trois autres œuvres vont être étudiées également de très près. Le portrait allégorique d’une femme, métaphore à la fois de la chasteté (laurier) et de la volupté (sein) par Giorgione (conservé à Vienne au Kunsthistorische museum). Peintre réputé, la veuve de Giorgione dut demander toutefois une pension à la République de Venise pour survivre. Puis l’amour sacré et l’amour profane du Titien (Rome, galerie Borghèse), commandé lors du mariage de Niccolo Aurelio et de Laura Bagarotto en 1514. Elle n’a d’autre choix que d’épouser celui qui a signé la condamnation de son père comme traître. « Cette allégorie est une invention pure à partir de figures faisant référence au néo-platonisme. La Vénus nue, céleste et la Vénus habillée, terrestre. Elle est habillée de rouge et de blanc, couleurs du mariage vénitien. »

Enfin, le tableau de St Georges et du dragon par Tintoret, commandés par les magistrats du sel, permet à l’un d’entre eux, Alvise Foscarini de restituer à sa femme plus que sa dot et ainsi de la garder libre de son destin. En dernier lieu, les femmes humanistes sont rares. Isota Uberola en est une. Elle a entretenu une longue correspondance avec Alvise le vieux qui est significative des rapports homme/femme de cette époque.

Une immersion riche et passionnante dans la Venise de la Renaissance !

L.L.

Article paru dans les D.N.A. du 19 novembre 2021