Une figure de la Résistance à découvrir

Pour la dernière date de la neuvième saison, Arts et cloître a reçu Hubert Briand pour une conférence très documentée sur Franz Stock (1904-1948), prêtre allemand figure de la Résistance et de la réconciliation entre l’Allemagne et la France.

A. Kilar C Centre international Franz Stock, Chartres

Hubert Briand a été à l’origine du classement de la fresque de Franz Stock sur la liste des monuments historiques, au séminaire des barbelés à Chartres, alors qu’il était militaire ce qui a permis de préserver l’ensemble de l’ancien séminaire des barbelés de Chartres. Ce breton y officie aujourd’hui et veille avec d’autres bénévoles de l’association Franz Stock à faire connaître ce « personnage hors du commun » par le biais de visites et conférences.
Mais qui était donc Franz Stock ? « Il naît en Westphalie en 1904 dans une famille de six enfants. Son père ayant été mobilisé en Russie, il est obligé d’aider sa mère à faire vivre la famille. Il est bien souvent plus au travail qu’à l’école. Mais il a déjà l’idée de rentrer dans les ordres. Lorsque son père revient, il passe son bac et intègre un mouvement de jeunesse, Source vive. Le jeune Franz Stock est très ouvert à d’autres cultures. Il a aussi un violon d’Ingres qui est la peinture. Il est très attiré par l’école de Pont-Aven. » Il entre chez les compagnons de Saint-François, créé par Joseph Folliet.

Franz Stock a accompagné entre 1 400 et 1 800 exécutés

Il vient étudier au séminaire des Carmes à Paris puis rentre à Paderborn (Allemagne) où il est ordonné prêtre en 1932. Dans sa première paroisse, il doit apprendre le polonais pour communiquer avec ses ouailles. Puis il sera curé de la paroisse allemande à Paris. Il fait venir sa sœur Francisca pour l’aider à accueillir les jeunes Allemands un peu perdus. Il est ensuite mis en demeure de rentrer en Allemagne, ce qu’il fait. Mais il revient ensuite à Paris à la paroisse allemande. Il est nommé aumônier auxiliaire des prisons parisiennes. C’est l’époque des premières exécutions à Paris, dont celle du jeune Jacques Bonsergent, le 10 novembre 1940, accompagné par Franz Stock dans ses derniers instants.
La lettre de Franz Stock à la famille, lue par une des descendantes de Bonsergent qui habite Molsheim, fut un moment émouvant. Hubert Briand indique que Franz Stock a accompagné entre 1 400 et 1 800 exécutés. Il y eut 4 500 fusillés en région parisienne. Franz Stock n’a pas renié sa patrie, l’Allemagne, mais il a compris cette lutte contre l’Allemagne nazie. Il faisait passer des informations aux familles mais demandait qu’on ne lui confie pas de secrets compromettant en confession.
D’Estienne d’Orves mentionne le mouvement de recul qu’il eut par rapport à Franz Stock, en se demandant s’il n’était pas de la Gestapo. Comment Franz Stock a pu, au milieu de ses événements tragiques, garder la confiance des Allemands et des Français ? Cela reste un mystère. « Il aidait tout le monde (juifs, athées, catholiques etc.) et cela commençait à être dangereux pour lui », indique Hubert Briand. On l’envoie dans un camp à Cherbourg. Sur les 190 000 prisonniers de guerre faits par la France, on demande aux étudiants allemands en théologie s’ils veulent bien reprendre leurs études en camp de prisonnier avec validation des diplômes par les autorités ecclésiastiques. « L’idée sous-jacente est de permettre à l’Allemagne après guerre de se reconstruire tout en luttant contre le nazisme pour éviter l’expérience désastreuse de 1919 qui a vu la guerre reprendre après avoir anéanti l’Allemagne économiquement », ajoute M. Briand. Le cardinal Suard appuie la candidature de Franz Stock pour prendre la tête de ce séminaire particulier, derrière les barbelés.

Enterré à la va-vite

Franz Stock arrive à Orléans le 23 avril 1945. Il se fait aider d’un lieutenant alsacien Joseph Johner pour organiser la vie de l’ensemble du camp. Mais très vite le séminaire est transféré au Coudray, à côté de Chartres. 939 étudiants allemands en théologie vont y être formés et 630 ont été prêtres de l’Allemagne post-nazie.
Jamais une expérience pareille n’a eu lieu à si grande échelle. Théâtre, peinture, musique, conférences avaient lieu au séminaire des barbelés. Franz Stock a eu aussi le souci de créer un lycée pour les 14/18 ans au sein du camp.
Il meurt d’épuisement le 24 février 1948 à l’hôpital Cochin. On interdit de publier son décès, il, est enterré à la va vite sous une croix de bois dans le cimetière de Thiais. Il a fallu attendre 1963 pour que son corps soit rapatrié dans l’église de Rechèvres à Chartres. Son procès en béatification est terminé depuis 2013, il reste au Vatican à se prononcer désormais. « Franz Stock a traversé les abîmes du cœur humain et ses surprenantes beautés à la fois. Son parcours conduit à espérer ». Une grande figure d’homme et de résistant à ne pas oublier.

Un film a été également projeté durant la conférence qui a permis de mieux découvrir le parcours de Franz Stock.

L.L

Article paru dans les D.N.A. du 16/06/2015