Dans l’ombre des maîtres

La deuxième conférence du cycle « Ombres et lumières : engagements, combats, résistances » d’Arts et cloître s’est déroulée au caveau de la Chartreuse de Molsheim, en présence d’un public nombreux.

Intitulée « Ombres et lumières, les gravures bibliques de Dürer, Rembrandt, Gustave Doré et Chagall », la conférence a été donnée par Sylvie Bethmont, graveur et professeur d’iconographie biblique à l’école Cathédrale de Paris.

Dürer Christ aux limbes détail_arts_et_cloitre

La conférencière a débuté par un exposé des techniques. Elle a montré d’abord l’une des plus anciennes gravures sur bois coloriées : Moïse , par Jacob Cornelisz van Oostsanen, faite à Anvers entre 1510 et 1540. C’est une image obtenue à partir d’une matrice en bois gravée en relief, c’est-à-dire en évidant le bois autour du trait pour un encrage en surface. Albrecht Dürer et Gustave Doré utiliseront cette technique.
Puis vient la technique sur plaque de métal qui se pratique à l’aide des outils des orfèvres, puis à l’eau-forte (acide), avant le passage sous la presse. Ainsi, une gravure meurt en naissant. Chaque estampe est le résultat d’un processus long et indirect.
Art des multiples, l’estampe réunit deux métiers, celui du graveur, qui crée le dessin et grave la matrice, et celui de l’imprimeur, qui en réalise le tirage sur papier.
Cet ancêtre des procédés modernes de reproduction est né de l’art des orfèvres à la fin du Moyen-Âge. Ce fut d’abord un moyen de reproduire les chefs-d’œuvre de la « grande » peinture pour les diffuser.
Mais dès ses débuts, le procédé, si contraignant dans le déploiement de la technique, a été la terre d’élection de grands artistes, dont certains sont plus connus pour leurs chefs-d’œuvre peints.
Les premiers exemples étudiés, avec rigueur, mais aussi clarté, sont deux gravures d’Albrecht Dürer : Descente du Christ aux limbes et La messe de saint Grégoire.
Vient ensuite Rembrandt avec deux œuvres, dont un autoportrait qui sert à illustrer les différentes phases de gravure du grand maître. Puis Gustave Doré, pour lequel il est rappelé qu’il découvrit la lithographie à 13 ans. Le fantastique fait irruption dans les livres et la comparaison entre la gravure Le Christ au jardin des Oliviers de Doré avec celle de Rembrandt est saisissante.
On finit en beauté avec les œuvres de Marc Chagall, qui jouait avec la gravure. Il disait : « Je suis certain que Rembrandt m’aime » et « Il me semble que quelque chose m’aurait manqué si, à part la couleur, je ne m’étais pas occupé aussi, à un moment de ma vie, des gravures et des lithographies ».
Tous ont gravé des sujets bibliques aux variantes infinies. En conclusion, la conférencière a répondu à quelques questions manifestant l’intérêt du public qui s’est ensuite beaucoup intéressé au matériel du graveur qu’elle avait apporté. Une conférence appréciée à l’unanimité.
 B.Rie.

Article paru dans les D.N.A. du 25novembre 2014.