Autour du bleu de Chartres

Pour sa septième saison, la première conférence d’Arts et cloître autour du bleu de Chartres a remporté un franc succès. Félicité Schuler-Lagier a su expliquer la symbolique des couleurs et leur rôle dans ces vitraux des XII e et XIII e siècles, non sans humour.

Chef-d’œuvre de l’art gothique des XII e et XIII e siècles, comme Amiens, Bourges et Reims, Notre-Dame de Chartres figure au patrimoine mondial de l’Unesco avec sa vaste nef ogivale, ses porches sculptés et ses splendides vitraux.

Fort bien conservée malgré plusieurs incendies et connue grâce à son fameux bleu de Chartres, elle compte 275 verrières, véritables trésors transmis par les maîtres imagiers pour les clercs. Mais il faut, pour pouvoir les lire, y être introduit et se remettre dans le contexte de l’époque. C’est la tâche que poursuit le Centre international du Vitrail à Chartres auprès des étudiants et du public.

Des vitraux à lire de bas en haut

« Si la lumière traverse la couleur, la couleur est-elle matière ou immatérielle ? », interroge Félicité Schuler-Lagier. « À la jonction de trois cercles rouge, jaune et bleu se situe le blanc, couleur divine qui contient elle-même les sept couleurs du prisme. » Le rouge prime, couleur du Christ et de l’invisible. Curieusement, le bleu n’est pas important avant le XII e siècle, où il devient couleur mariale et couleur du visible. Michel Pastoureau pense que Marie est habillée en bleu à Chartres pour la première fois. Dans ces vitraux qui se lisent de bas en haut, dans le sens de l’élévation spirituelle, la couleur sert à identifier, hiérarchiser, associer et classer.

Plusieurs sens de lecture s’en dégagent : littéral, allégorique, moral et anagogique.

Le bleu de Chartres à base de cobalt voisine avec un bleu céleste, tous deux moins sensibles à la corrosion. Le bleu a eu du mal à s’imposer. Ainsi, lorsque la guède et le pastel se sont développés au XII e siècle, le diable a été montré en bleu pour permettre de dénigrer cette couleur par rapport au rouge, bien vu. Le jaune qui symbolise la trahison et le vert sont réservés à Judas. Le Moyen-Âge possède ainsi ses codes.

La monochromie d’un vêtement va permettre d’alerter par rapport à un problème grave ainsi que la bichromie ou la trichromie. Il faudra se méfier aussi d’une personne vue de profil. Ne parlons pas des rayures, dont on a horreur ! Pour montrer qu’un miracle a eu lieu, un personnage touche le bras d’un autre. On ne montre pas quelqu’un la bouche ouverte de peur que le diable n’y rentre. La couronne de fleurs est le signe du débauché. Le noir et le blanc incarnent les couleurs de la polarité, entre bien et mal.

Enfin, l’enjeu de cette époque relève à la manière de saint Eustache d’un choix personnel qui rejoint nos préoccupations d’aujourd’hui : rester collé à la matérialité ou s’élever vers la spiritualité !

L.L.

Article paru dans les DNA du 7 novembre 2012