Une autre vision de l’Apocalypse

Lors de la dernière conférence d’Arts et cloître, Paule Amblard, écrivain, historienne de l’art et spécialiste du Moyen Âge a présenté avec talent et sensibilité l’Apocalypse de St-Jean illustrée par la tapisserie d’Angers.

Paule Amblard a tenté lors de cette conférence de faire découvrir le message d’espérance contenu dans cette œuvre du XIV e siècle, à l’heure des prévisions catastrophistes de fin du monde. Mais un petit rappel historique s’impose.

Louis 1 er d’Anjou, grand mécène et grand mégalomane s’était fait construire une galerie au château d’Angers pour accueillir une œuvre extravagante : une tapisserie de 130 mètres de long par 6,5 mètres de large. En plein XIV e siècle, nombre de personnes sont décimées à cause des épidémies de peste, il choisit pour sujet le texte de saint Jean qui a le mérite de ne pas être « daté ». Il fait appel pour cela au peintre préféré de Charles V, Hennequin de Bruges, qui en réalise les cartons et en transcrit la symbolique ainsi qu’à l’atelier de Robert Poisson, célèbre lissier parisien pour la tapisserie. En 1981, lors du nettoyage de l’œuvre, on a découvert que l’envers équivalait à l’endroit. Les couleurs originales y avaient subsisté et changeaient ainsi le regard porté sur l’ensemble (*).

«De l’ombre à la lumière »

Si le texte de saint Jean clôt la Bible, il est en quelque sorte le testament de celui-ci, prisonnier à Patmos sans savoir s’il sera exécuté. Dans sa grotte, il reçoit des visions qui deviendront le texte de l’Apocalypse. « De cet état d’abandon, quelque chose de lumineux va sortir […] Le mystère de l’Apocalypse y est introduit par un vieil homme qui déroule un rouleau et veut nous mener à un chemin de sagesse. Mais nous ne sommes pas dans l’ombre et l’homme a toujours le choix », indique la conférencière. Des tapisseries sur fond bleu et rouge alternent « Le Fils d’homme, vêtu du blanc (habit des prêtres) symbolisant la lumière, a les pieds rouges (couleur de l’airain, symbolisant l’Esprit) bien campés sur la terre. Il porte une longue épée dans la bouche.

Paule Amblard a réussi le tour de force de rendre limpides ces visions d’apocalypse. « Nous avons tous des encombrements, pulsions, lourdeurs au quotidien qu’il faut dépasser pour faire jaillir notre lumière. C’est le chemin de l’Apocalypse, aller vers la lumière et porter des fruits » qui découle du message principal de ce texte. « L’Apocalypse est un chemin difficile, un passage des ombres à la lumière. La main du Christ y est représentée avec sept étoiles, les sept églises d’Asie représentant nos communautés humaines. L’artiste a même représenté sept cierges allumés dont la cire coule ». Dans cette tapisserie, beaucoup d’images de catastrophes, de destructions alternent avec des images de respiration. L’image de Babylone qui s’effondre invite à une mise à nu de nous-mêmes ; trois modestes petits oiseaux viennent éclairer nos mondes intérieurs, nos artifices intérieurs. Le vrai combat c’est de mettre le plus de paix en soi, c’est le plus difficile ».

Une conférence lumineuse pour terminer cette sixième saison !

(*) Objet d’un livre aux Éditions Diane de Selliers qu’elle a aussi présenté.

L.L.

Article paru dans les DNA du 5 mai 2012