Péguy en vers et contre tout

 Il fallait oser Péguy. Samedi au caveau de la Chartreuse, Arts et cloître a accueilli les comédiens Michel Béatrix et Hervé Tharel pour une pièce Mémoires croisées hors du temps. Elle a révélé aux spectateurs une écriture éternelle.

Les récits – Carmel de la Paix 2010
©Bruno ROTIVAL

 

 

Quel meilleur lieu que la Chartreuse pour accueillir les mots de Charles Péguy ? « C’est une écriture exigeante qui demande à être attentif car la répétition des propos révèle une autre assertion. Pour concevoir ce spectacle, il m’a fallu couper des passages et inventer une ponctuation qui n’existait pas » explique Michel Béatrix, auteur de la pièce, metteur en scène et comédien.

«Son acuité est hallucinante»

Écrivain de temps de crises, Charles Péguy (1873-1914) a sublimé par ses mots les doutes de ses engagements politiques et religieux. « Il écrivait comme il pensait » estime Michel Béatrix.

Malgré les décennies, ses propos conservent une certaine actualité. « Son acuité est hallucinante dans un monde qu’il voyait partir en déliquescence », poursuit le metteur en scène.

C’est cette résonance par delà l’espace et le temps que le duo de comédiens a recréé dans ce caveau voûté aux briques tannées et au mortier défraîchi.

Grâce à un dispositif scénique d’une sobriété monacale, Michel Béatrix et Hervé Tharel ont investi Mémoires croisées avec une force et un engagement inouïs.

Ni scène, ni estrade pour déclamer, mais un plateau circulaire au milieu de tous. « La présence du public autour de nous mue les spectateurs en pèlerins d’Emmaüs » remarque Michel Béatrix.

La prestation a duré une heure et demie. Elle a tissé finement le récit de  La Passion de Péguy avec un autre texte plus contemporain, Avant-dernières paroles de l’Homme de Michel Béatrix. Sur un principe d’entrelacs, les passages habités par leurs porteurs trouvent un écho sidérant.

Le chemin d’une révolution spirituelle

Car si la Foi élève l’intention de Péguy, ses doutes ramènent le Christ à sa condition d’homme et le clouent définitivement à la croix. Dans un face à face imaginaire entre Jésus et Judas, il lui prête ces paroles, comme un dernier soupir de l’âme : « Je ne te chasse pas, je t’absente ».

En permanence sur le chemin étroit d’une révolution spirituelle, il n’est pas question de catéchisme mais d’interroger l’avenir de l’humanité dans ses désespoirs, ses renoncements et sa déloyauté.

F.M.

Article paru dans les D.N.A. du 26/03/2018

 

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