Invitée des conférences Arts et cloître, Karima Berger, présidente d’Écritures et Spiritualités et écrivain, est venue parler d’Etty Hillesum à travers le dialogue noué avec elle par-delà le temps dans son livre Les Attentives.
Que peuvent se dire une jeune femme hollandaise des années 1940 et une Marocaine ou Algérienne d’aujourd’hui ? Karima Berger, invitée des conférences Arts et cloître début décembre, a toujours été intéressée par la rencontre avec l’autre et par la diversité des cultures. À la maison, elle parlait l’arabe, à l’école le français. « Cette diversité de deux mondes a instillé dans mon tréfonds une grande curiosité. J’ai vécu en Algérie jusqu’à l’âge de 25 ans puis je suis venue en France faire mon doctorat. Le 11 septembre a été pour moi un vrai traumatisme. À un moment où je cherchais ce qu’était qu’être musulmane et libre, j’ai lu Etty. »
Croire, c’est un bonheur
En trois ans, Etty Hillesum, jeune juive décédée à Auschwitz qui vécut à Amsterdam dans les années 1940 a fait un parcours spirituel et humain d’une grande intensité. « Elle avait une pensée du divin extraordinaire. Croire, c’est un bonheur, une joie, pas quelque chose d’enfermant. » Pourtant, au départ, elle ne connaît rien de sa religion juive et n’a eu aucune éducation spirituelle. En rencontrant son amant Spier, elle va découvrir la question du divin et travailler aux conseils juifs pour « aider » les prisonniers juifs du camp de transit de Westerbork. À un moment donné, les règles se durcissent et elle devra cesser ses allers-retours pour choisir d’être là avec les familles à Westerbork. Elle dit : « Je suis là pour être. » Elle va leur instiller une étincelle divine sans en avoir l’air. On le sait car elle avait donné à une amie ses carnets et elle rêvait d’être poète.
Karima Berger explique le parcours de vie d’Etty Hillesum en quelques mots avec beaucoup d’émotion.
« Le vide est un lieu hautement spirituel »
La jeune hollandaise avait au-dessus de sa table de travail une petite photo d’une Marocaine. Karima Berger redonne voix à celle-ci. Au-delà des années et des différences culturelles, elles cherchent toutes deux à dire le monde et à lui donner sens. Karima Berger le fait par l’art et l’écriture. L’art est le fondement même de l’altérité et l’écriture permet de faire le détour par l’autre. Etty traduisait du russe, de l’allemand, du néerlandais. Elle avait même un coran. La conférencière insiste sur le fait que « le vide est nécessaire pour faire advenir Dieu parce qu’il permet une écoute au-dedans de soi ». « Le musulman prie devant une niche vide, cela permet la prière de chacun et sa singularité. Le vide est un lieu hautement spirituel comme le cloître est un lieu de prière et de méditation. » Une autre façon de découvrir Etty Hillesum qui était aussi une grande amoureuse de la vie.
L.L.
Article paru dans les D.N.A. du 31/12/2016