Dans l’univers de Chagall

La deuxième conférence du cycle d’Arts et cloître était consacrée à Chagall. Elle était donnée par Madeleine Zeller, conservateur de bibliothèque et photographe, au caveau de la Chartreuse, devenu une fois de plus bien exigu.

Madeleine Zeller a montré avec talent et détails combien Chagall a aimé le vitrail et y a excellé. « On a l’impression que Chagall est né pour le vitrail. Pour lui, cela a l’air tout simple. La matière, la lumière pour une cathédrale ou une synagogue, c’est une chose mystique qui passe par la fenêtre ». S’il s’agit d’une de ses dernières œuvres, celle de Sarrebourg en est la plus majestueuse, avec ses douze mètres de haut par sept mètres cinquante de large. Il avait déjà réalisé un vitrail pour l’ONU sur le thème de la paix transposé en tapisserie, trente ans plus tard, conservé aujourd’hui au musée du Pays de Sarrebourg. Dans cette ville de garnison, le député maire et Premier ministre Pierre Messmer avait eu l’idée de demander à Chagall de réaliser un vitrail pour fermer le chœur de la chapelle des Cordeliers, dont la nef vétuste venait d’être abattue. Ce qui fut fait de 1974 à 1976.

Chagall reste un artiste libre à plus d’un titre

Avant cela, l’artiste avait déjà réalisé des vitraux au plateau d’Assy, à New York, à Zurich, à Reims et à Mayence. Né à Vitebsk dans l’actuelle Biélorussie, Chagall (1887-1985) est « habité par la Bible, même s’il a été élevé dans la religion juive. » Il a réalisé tout un cycle de gravures de la Bible.

L’œuvre de Chagall fait parler, et renouvelle le thème de l’arbre de vie et du couple originel, avec ce bouquet multicolore flamboyant qui s’enracine dans l’ancienne chapelle de Sarrebourg.

Il y célèbre la beauté de la paix à travers l’amour. Chagall reste un artiste libre à plus d’un titre par rapport à ses sources et à ses réalisations : ainsi, Adam et Eve sont tentés ensemble, tandis que le serpent s’insinue dans la composition. Il réunit l’iconographie chrétienne et la culture hébraïque et est fasciné par la figure du Christ.

Madeleine Zeller a aidé à décrypter l’iconographie complexe et énigmatique de l’œuvre de Chagall, qui a toujours plusieurs sens et s’inscrit dans un temps continu confondant passé, présent et futur. Elle a mis en avant l’importance de la couleur chez Chagall, qui disait : « Dans une seule vie, la couleur qui donne sens, c’est l’amour ». Elle a enfin montré l’amitié qui unissait Charles Marq, maître verrier, à Chagall et le travail technique considérable de celui-ci pour amener des nuances sur des verres doublés gravés à l’acide fluorhydrique et réaliser « l’enflammement à mettre au monde la vision du peintre » pour créer « cette cloison transparente entre mon cœur et le cœur du monde », tel que Chagall définissait le vitrail.

L.L.

Article paru dans les DNA du 10.12.2011.