Maurice Denis, un promoteur de l’art sacré

Invitée d’Arts et cloître Paule Amblard, historienne de l’art a donné une conférence sur le chemin de croix réalisé par le peintre nabi Maurice Denis dans un ancien prieuré de St Germain en Laye. Un grand succès pour ce sujet méditatif.

 

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D’emblée, Paule Amblard indique que pendant longtemps elle avait du mal à apprécier les chemins de croix souvent tristes et sanguinolents jusqu’à ce qu’elle découvre les couleurs pastels de celui de Maurice Denis. Les chemins de croix existent depuis le VIIIe siècle, d’abord à Jérusalem où l’on refaisait le parcours de Jésus du procès à sa mort au Golgotha. Puis comme cela devenait trop dangereux pour les pèlerins, les frères franciscains eurent l’idée de refaire ce parcours à travers différentes stations : de 5, elles passèrent à 20 puis furent fixées à 14 par le pape Benoit XIV.

« Les pères de l’Eglise considèrent le chemin de croix comme l’art d’aimer »

Maurice Denis (1870¬1943) occupe encore aujourd’hui une place ambiguë dans l’histoire de l’art. Celui qui fut surnommé le « nabi aux belles icônes » est célébré aux côtés de Vuillard et de Bonnard comme l’un des initiateurs du mouvement nabi et son brillant théoricien. Chacun conserve en mémoire le fameux mot d’ordre de la peinture moderne lancé en 1890 par le peintre alors âgé de vingt ans et inconnu : « Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ».

Maurice Denis est aussi connu pour sa remise à l’honneur de l’art sacré. Il a racheté un ancien hôpital du XVIIe siècle, une bonne œuvre de Madame de Montespan pendant la guerre de 1914.

Il va se faire aider dans cette restauration par Auguste Perret, un architecte français qui fut l’un des premiers techniciens spécialistes du béton armé. « Denis va concevoir des vitraux, des fresques et les petits tableaux du chemin de croix. Il y travaille tout seul à une période où il est en train de perdre sa femme et où, peu à peu il devient aveugle. Et il va réaliser un chemin de croix éclatant de lumière. Les pères de l’Eglise considèrent le chemin de croix comme l’art d’aimer ». A St Germain en Laye, Denis laisse parler à la fois son cœur, sa foi et son intuition.

Paule Amblard a su avec doigté et sensibilité, proposer une méditation remarquable sur ce chemin de croix, objet d’un livre, mettant en valeur les procédés employés par le peintre : répétition du personnage de Marie comme pour décomposer sa souffrance, usage de symboles de la résurrection tel le cyprès, emploi de tons de rose, rouge et blanc, couleurs liées au Christ, point de vue audacieux de certains visages dont on ne voit qu’une partie, visage de St Jean qui ressemble au Christ dont la dépouille est envahie de fleurs, de myrrhe et d’aloès. Ce chemin de croix est vu non pas comme un anéantissement mais comme un renouveau.

Comme le disait Kierkegaard, « ce n’est pas le chemin qui est difficile mais le difficile qui est le chemin ». Ou comme le disait le pasteur Dietrich Bonhoffer : « là où se tient la croix, la résurrection est proche ». Paule Amblard rappelle ce que disait Yves Congar : « ce n’est pas la souffrance de Jésus qui nous sauve mais l’amour avec lequel il a vécu ses souffrances, c’est tout autre chose ».

Maurice Denis a voulu redynamiser l’art sacré. Ce chemin de croix aura une belle postérité puisqu’ en 1919, il a fondé avec Georges Desvallières les ateliers d’art sacré et a formé toute une génération de jeunes peintres.

L.L.

Article paru dans les D.N.A. du 29/04/2016